Le projet BOCIEK a été conçu au cours de l’année 2007, à la demande du Préfet de Paris afin de mieux comprendre les modes de vies et les motivations des personnes polonaises à la rue, en situation de grande exclusion et refusant généralement des solutions d’hébergement. Il a été pensé et conçu à partir d’une préalable analyse des besoins de la population cible (enquête de la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales de Paris - 2006, expérience acquise sur la « permanence polonaise » de Charonne mise en place sur le CAARUD Beaurepaire entre janvier et juillet 2007).
Le projet a eu l’aval de la DASS de Paris en novembre 2007 et l’équipe d’intervention psychosociale BOCIEK s’est constituée à la fin de l’année. Elle s’adresse à des migrants des pays de l’est européen : polonophones, russophones et (depuis septembre 2009) bulgarophones vivant en précarité et/ou situation d’errance sur Paris et la petite couronne.
Depuis 2009 nous intervenons également, à titre expérimental, auprès du public roumanophone. Cette intervention est assurée par les stagiaires psychologues en master 2 professionnel et en thèse.
Bociek est une équipe mobile d’intervention psycho-sociale à destination des migrants des pays de l’Est européen en situation d’errance et de grande precarité. Il s’inscrit dans les objectifs du plan régional de santé préconisant « d’apporter des réponses collectives cliniques, médico-sociales et sociales, au profit des personnes le plus souvent vulnérables ».
Les premiers repérages1 et évaluations des besoins de migrants précaires nous ont menés vers une action psychosociale auprès de ces publics. Même si la majorité des demandes se situait initialement du côté du social, nous avons constaté que la plupart des personnes présentait d’importants troubles du comportement associés à de réelles fragilités psychiques. La prévalence des problèmes relevait finalement plus du champ médical et psychiatrique que social.
L’intervention psycho sociale se situe à l’interface de plusieurs dispositifs venant du champ du social, médical et administratif. Elle vise à accompagner les personnes vers un parcours social plus cohérant qui prend en compte leurs capacités mais aussi leurs fragilités psychiques et physiques. Et cela, afin de leur permettre, à travers la création du lien et de nouveaux repaires, de se réinscrire dans la réalité sociale.
Un accompagnement psychosocial favorise le repérage des problématiques de santé psychique et de leur gravité pour une meilleure orientation et une prise en charge adaptée par les acteurs du champ social et médicosocial.
Les psychologues cliniciens du pôle psycho-social interviennent à la demande de différentes institutions du champ social et médico-social sur la prise en charge des personnes présentant des difficultés à s’inscrire dans les dispositifs des soins et/ou sociales et/ou administratifs qui leurs sont proposés.
Les migrants précaires cumulent plusieurs problématiques sociales, médicales, administratives. La plupart de temps elles sont traitées séparément provoquant un morcèlement de la prise en charge sans qu’il y ait une coordination entre les actions des différents intervenants. Chaque intervenant répond à une composante de la demande globale de la personne et en fonction des exigences institutionnelles. Ce manque de cohérence de cette prise en charge entre en résonnance avec la problématique de la grande précarité qui est avant tout une problématique de désaffiliation sociale et de perte des liens.
L’intervention psychosociale et socio-éducative de Bociek a pour buts :
4 ETP dont :
Les membres de l’équipe mobile se mettent à disposition des différents services de l’Etat et du département; l’intervention se déroule en complémentarité avec les équipes sur place.
Nous avons construit nos interventions autour de trois axes principaux qui permettent aux migrants, mais également aux professionnels qui interviennent auprès d’eux, avoir d’emblée une visibilité du parcours social ou socio-médical dans lequel ils s’engagent. Cela permet d’éviter le morcèlement des suivis et un meilleur repérage entre les différents intervenants. L’équipe Bociek assure la cohérence en accompagnant les migrants et les professionnels à travers les différentes étapes des suivis sociaux.
Régulièrement ou sur demande ponctuelle, nous intervenons auprès des différentes maraudes en contact avec la population cible sur les sites qui représentent la plus grande concentration de migrants : Paris 10ème, 11ème, 19ème, 20ème arrondissements, les abords du périphérique, le bois de Vincennes et les communes limitrophes du département de la Seine Saint Denis. Il s’agit de tout type d’intervention concernant les personnes isolées ou vivant en groupe ou en campement.
Le but de cette intervention : prise de contact, évaluation de la situation sociale (domiciliation, AME ou CMU) et médicale (sensibilisation aux problèmes de santé, accès aux dépistages) de chacun et pour ceux qui les souhaitent l’orientation et, si possible, l’accompagnement (certaines équipes le font) vers les permanences de Bociek.
Nous participons également à la médiation socio-culturelle entre les équipes de maraude et la population cible. Il est important pour nous que les deux protagonistes se connaissent suffisamment pour pouvoir fonctionner avec ce savoir en dehors de notre intervention.
Tableau 1: équipes de maraudes concernées
Équipe |
Nombre d’interventions |
Emmaüs |
~40 |
DPP UASA |
~20 |
Maraude 11 |
~20 |
Antenne Mobile |
~40 |
BAPSA |
~10 |
Autres |
~10 |
Total |
~140 |
La moyenne de contacts pour les maraudes :
L’intervention auprès des maraudes constitue la première étape de notre intervention. La seconde est l’accueil de ces personnes, ou d’autres venues par le bouche-à-oreille ou orientées par différents partenaires lors de nos permanences hebdomadaires.
Nos permanences prennent en compte les spécificités des structures d’accueil où nous intervenons :
Dans un ESI, nous allons insister sur le relais social : domiciliation, ouverture des droits à la santé et suivi psychosocial.
Dans un CAARUD, nous allons intervenir plus sur le versant RDR et médical en assistant aux dépistages et parfois aux entretiens avec le médecin, au rendu des résultats, à l’organisation des sevrages, aux orientations et accompagnements vers les dispositifs de soins spécialisés.
Dans les CSST-CSAPA, il va s’agir plutôt de co-suivis assurés par le psychologue de notre équipe, le médecin référent et le travailleur social en charge du suivi sur la structure.
Depuis deux ans nous menons notre propre permanence à l’association Aurore, dans les locaux d’Itinérences. C’est une permanence psycho-sociale où nous menons des entretiens thérapeutiques de soutiens pour les personnes polonophones et russophones « résidant » (en hébergement ou dans la rue) sur 10ème arrondissement, les anciens suivis de la boutique Beaurepaire ainsi que les femmes et les familles. C’est un lieu unique basé sur un partenariat fragile (nous sommes en auto-gestion) mais qui nous est très précieux puisque c’est le seul lieu où nous pouvons recevoir les familles (donc les enfants) et, tout simplement, continuer à être présents dans le 10ème arrondissement toujours autant investi par les précaires polonophones.
Pour les suivis sociaux nous sommes aidés par l’assistante sociale détachée pour cette permanence du CHS Charonne.
Nous y menons également les cours de français, ouverts à tous et à toutes.
Tableau 2: les structures concernées et files actives par structure
Structure |
File active |
ESI Arche d’Avenirs |
84 |
CAARUD Beaurepaire |
36 |
ESI La Halle Saint Didier |
25 |
CSAPA EGO |
17 |
CSAPA Sleep in |
5 |
CSST 110 Les Halles |
16 |
Itinérance/Bociek |
69 |
Gaia |
13 |
Maraudes |
28 |
Total |
292 |
Après une évaluation de la situation sociale, les personnes rencontrées lors de nos permanences sont orientées et accompagnées vers les services spécialisés (voir plus bas).
La plupart des accompagnements sociaux sont effectués et assurés par l’équipe éducative sur place. Tandis que toutes les démarches qui concernent la mise en place des suivis médicaux : suivis de grossesse, sevrage, substitution, accompagnement aux urgences, etc. sont assurés par les membres de notre équipe.
Nous participons également, en tant que médiateurs et accompagnateurs, aux actions de préventions et de santé organisées chez les partenaires :
Tableau 3: activité déclinée par pôle
Pôle |
Nombre d’actes |
détail |
Maraude |
400 |
|
socio-éducatif |
2000 |
|
psychosocial |
1200 |
|
Total |
3600 |
|
Le fonctionnement du réseau Bociek repose sur l’engagement de tous les partenaires sociaux qui, à travers nos interventions, peuvent mieux s’organiser afin d’optimiser les circuits des prises en charge. Notre présence sur la majorité des points cruciaux du parcours « type » des migrants précaires (rue, structures d’accueil bas seuil) permet à ceux-ci de garder un minimum de repères.
Les interventions ponctuelles constituent une suite logique de notre action. Lors de transition de nos suivis de rue vers les structures d’accueil ou/et vers les structures d’hébergement nous nous rendons disponibles pour les synthèses et l’évaluation concernant leur situation afin d’assurer la cohérence dans le suivi.
Cependant, nous sommes sollicités également pour faire des interventions chez d’autres partenaires sociaux et médicaux-sociaux ayant besoin de faire ponctuellement un point sur la situation de la personne ou qui sont à la recherche des solutions et des prises en charge le plus adaptés notamment:
des structures d’hébergement d’urgence et de stabilisation :
d’autres structures de soins :
des services sociaux, administratifs et juridiques :
Durant l’année 2011 nous avons mis en place des formations concernant la prise en charge des publics polonophones et bulgarophones. La formation s’organise autour de trois thèmes principaux :
Cette même année nous avons également été sollicités, dans le cadre du programme « formation et élaboration des normes et des standards et des services de soutien pour l’intégration sociale », à préparer et à organiser 2 visites de travail, pour nos partenaires sociaux polonais, ayant pour thème : hébergement / maraudes sociales et l’organisation du travail social.
Chaque groupe a été constitué des différents représentants (sociaux ou médicaux ou administratifs) venant des plus importantes organisations sociales polonaises désignées par le Ministère de la Cohésion Sociale : Caritas, Fondation du frère Albert, Monar, Barka, Organisation nationale de la lutte contre le sans abris et l’Association Porte Ouverte.
Nous avons participé à l’élaboration du programme de chaque visite et nous avons organisé et assuré les rencontres avec les tutelles parisiennes ainsi que nos différents partenaires sociaux : Emmaüs, FNARS, DASES, DRHIL, BAPSA, UASA, Ville, Halte de cœurs, CAARUD Charonne, Consult’ Jeune Charonne, Samu Social, 115, RATP Recueil Social, CHS Charonne, CHU Garrel, Pomost Passerelle etc…
Ces rencontres avaient pour but de présenter le travail et le fonctionnement des différents dispositifs sociaux parisiens pouvant servir de modèle dans le développement de nouveaux outils de travail en Pologne.
1 permanence polonaise au CAARUD Beaurepaire de l’Association Charonne